Une résidence comme je l’engage n’est pas un début. C’est un fragment. Une continuité de ma réflexion
d’artiste, chercheuse. Un lien multimodal, un fil d’Ariane, un partage d’échanges.

Toujours mettre en exergue, le quotidien de nos actualités à tous, anime, mes convictions fondamentales. Mettre en partage, dés sa naissance, l’inconnu propre à la création, s’y confronter aussi, c’est offrir une volonté saine de réussir. Nos différences alors, dévoilent nos contradictions. Les observer, permet de reconnaître et d’accepter les multiples identités qui fabriquent notre monde.

…De la bouche…. A la babouche…

Développer ce processus dans un contexte ou éducation et réalité du monde du travail se côtoient est une révérence à ‘ l’essai’.

Ces ‘projets avenirs’ sont une plateforme pleine d’espoir, tant, la part active de la création artistique devient élément de formation et de transmission. Au lycée Hôtelier de Souillac, j’ai poursuivi la réflexion autour de la technique au sucre, déjà engagée à Mazamet en 2012.

C’est en écoutant les élèves et leurs professeurs me parler de leurs métiers, que, l’univers de notre future réalisation collaborative est né. D’abord en évoquant le vide qui semblait ne pas exister ici, tellement tout devait être rempli par la force de cet environnement.

Puis, 3 éléments ont très vite émergé. D’abord, en partant du terme simple de ‘décor’, le lien vers la source de ‘l’écriture’ représentative de notre précieuse ‘HUMANITÉ’ a pris une place évidente, à ma grande joie, quand je réalisais que le Musée Champollion est situé non loin de là, à Figeac. Le choix des écritures Tamoul, Malayalam, Bengali, de l’Iles de Pâques, a été décidé pour les valeurs et la symbolique de leurs cultures, leur part d’inconnu et leurs calligraphies particulières, découverte en soi.

L’utilisation du ‘Moucharabieh’, un de mes outils métaphorique qui continue à animer ma réflexion, portant en lui l’Occident à travers l’Orient, représente les limites de nos multiples impacts portés par nos sens. Dans ce cadre, il introduira cette image des frontières que nous nous inventons sous différentes formes. Ce sont souvent celles de codes implicites.

« Je ne comprends pas ! », pour répondre à celle-ci, j’expliquais à tous que « plus notre imagination est soumise à des barreaux issus d’un trop faible pouvoir critique, plus notre démocratie s’enraille, prison de notre libre expression. »

Ce terme ‘DEMOCRATIE’ écrit en sucre dans une calligraphie classique, souligne sa forme éphémère, remet en cause son universalité, telle une sonnette d’alarme et de prise de conscience. Par exemple, la lenteur par laquelle les gens vont ici le décrypter, les y invite.

En écho, l’idée de ‘la fonte des glaciers’, problème écologique actuel, remettant en cause nos besoins me paraît résonner. La présence du sucre par sa solubilité fait retentir la notion de ce verbe : ‘Fondre’. Ce terme va transporter en lui l’aspect temporel de cette nouvelle installation : ‘…De la bouche ….A la babouche…’ Son mouvement qu’il transporte implique la lenteur, réel détonateur au sein de l’accélération de notre temps. En lui, se prolonge et se définit précisément tous les autres termes parcourus durant cette réflexion, comme, disparition, distance, fonte, différence, absence…. Comme si, notre ligne d’horizon actuelle, devenait le tempo sourd et posé de notre devenir.

Mais, il interpelle aussi tout notre corps qui doit demeurer toujours à son écoute. C’est en interrogeant le corps et l’esprit que nous avançons vers la forme passagère. Une chorégraphie plasticienne issu de ce quotidien infiltre tous les domaines de ce lieu, cuisine, service, apprentissage, nettoyage, etc…Leur appétence est vive, une performance avec l’ensemble de leurs outils s’envisage, entre savoir et surprise. Elle se croque avec délice, le support étant un repas, outil de réflexion quotidien. Avec cette installation, c’est la notion de temps qui s’implique, le spectateur va à sa rencontre. Invitation à une partition nouvelle et offerte, un devenir à inventer ensemble.

Si, on devait décrire un son, ce serait le son sourd et silencieux des pas dans la neige que j’ai souvent entendu pendant que ce travail était en train de se réaliser. Des pas, il y en a eu beaucoup de parcouru pour résoudre cette invitation créative. En touchant, écoutant et rencontrant tous les habitants de ce lieu, j’ai partagé ce qui ne se voit jamais d’une œuvre et qui, aujourd’hui s’agence comme un enseignement, comme la transmission d’une manière d’observer, de sentir, d’appréhender, de questionner le monde. Le vivre et le regarder avec des yeux toujours tournés vers la différence.

Notre devenir tient sur cette adéquation de l’ensemble et de la différence, son espoir détient en elle, la paix.

©Valérie Ruiz, le 29 Janvier 2015